vendredi 25 octobre 2013

SUITE de FENÊTRES

Balthazar toujours regardant le lointain avec ses jumelles.    3

Balthazar:
 " J'aperçois les fenêtres, elles sont alignées et surplombent la cour de l'immeuble peuplé de chats faméliques et de chèvres diaboliques perchées sur les tas de ferrailles amoncelées pendant les combats et les bombardements de la ville. Elles mangent du papier, les dossiers dispersés de l'ancien ministère, et des enfants décharnés jouent à la marelle, des vieillards accroupis alignent les dominos et fument la pipe à eau, le sol est malpropre, humide, malodorant, des vapeurs d'urine s'échappent vers le ciel.
Les fenêtres sont privées de vitres, les cadres arrachés, les façades criblées par les éclats d'obus, l'immeuble est une immense barre de béton en ruine, il ferme l'horizon de la ville et les faubourgs fument.
Dans l'encadrement des fenêtres, un corps bariolé, tenue de combat, un éclair et c'est le claquement sec de l'arme automatique, sur l'avenue des grands hôtels un corps s'écroule parmi les véhicules carbonisés, on fuit dans une ruelle."
Balthazar observe tout ce qui vient de se passer dans un lent panoramique de sa paire de jumelles.

La Mère: (voir erratum)
" Fils, les couloirs sont des coursives ténébreuses aux portes défoncées, laisse tes frères d'arme entrer et venir s'étendre sur le canapé éventré, ne tire pas par erreur sur ces valeureux guerriers, ils reviennent du combat.
Laisse les pénétrer et admirer la photo du désert accrochée sur le mur. Il y a des enfants soldats parmi ces combattants, ils auront besoin d'un peu de chaleur à leur retour; qu'ils viennent poser leurs têtes bouclées sur mes seins de nourrice."

Balthazar:
" La ville gronde et l'air devient de plus en plus irrespirable. Du Nord au Sud il y a d'immenses fumées jaunâtres, ça sent le pétrole cramé et la chair qui grille à tous les carrefours, le soleil peine à briller car la main du diable masque son rayonnement.
Mère il te faut prier car ce que je vois est terrible."

La Mère:
" Depuis le début des combats mes yeux sont grands ouverts et je ne dors plus. Grands ouverts sur ce monde de bruit et de fureur. Quand la flûte remplacera-t-elle le sifflement des obus et le tambourin le roulement des chars d'assaut? Honte aux chants de guerre, aux cris des guerriers. Gémissent les mourants.
Pourquoi mon sexe s'est il ouvert pour donner naissance à vous autres enfants?
Moi et les autres femmes nous avons accouché des enfants du Dieu de ce peuple errant. Sur les hauts plateaux des monts désertiques du Sud les bergers nomades vivent sous la tente et parcourent le désert à la recherche des puits, sources indispensables à notre survie, eau surgissant des entrailles de la terre, sa pureté inonde notre visage et ruisselle sur notre corps, empruntant le chemin éternel des rides profondes du cou des épaules et des seins.
Nous savons nous les femmes la douleur excessive de ce don au peuple, Dieu, nous savons les soubresauts du corps étendu sur la natte de joncs, l'écartèlement et la cambrure des lombes le fleuve de sang et les premiers cris.
Tu es Balthazar le gardien de mes enfants en l'absence du père. Je sais ton importance dans l'organisation des combats de la cité. Ne soit pas le martyre, le soldat crucifié. Protège les dernières pierres de notre maison."
Balthazar:
" Mère on vient de relever la garde de nuit...." (voir erratum)

 (à suivre) 


FENÊTRES

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