vendredi 2 mars 2012

DES LARMES...








Des larmes. Elle se tait longtemps. Elle pleure.
Elle dit qu'elle se souvient surtout du ciel rouge à travers les rideaux fermés de la chambre de l'hôtel des Roches où elle faisait l'amour avec un jeune étranger qu'elle ne connaissait pas, qui avait les yeux bleus et les cheveux noirs.
Il pleure à son tour. Il se tait. Il va loin d'elle.
Elle dit qu'il y a beaucoup d'étrangers qui viennent en été dans cette station pour apprendre le français, qu'ils ont toujours les cheveux noirs et quelquefois les yeux bleus. Elle ajoute: Et le teint mat comme certains Espagnols, vous avez remarqué? Il a remarqué, oui.
Il lui demande si à un certain moment de la nuit, près d'elle,  dans le hall, il n'y avait pas eu cependant, pendant très peu de temps, à peine quelques secondes, un autre très jeune homme habillé de blanc, un autre jeune étranger aux yeux bleus cheveux noirs. Elle demande:
- Vous dites : en blanc?
- Je ne suis plus sûr de rien, il me semble, en blanc, oui. Beau.
Elle le regarde, c'est elle qui demande :
- Qui est-il ?
- Je ne sais pas. Je ne l'ai jamais su.
- Et pourquoi serait- il étranger ?
Il ne répond pas. Elle pleure, elle lui sourit dans les larmes...

mardi 28 février 2012

LA MAISON AFRICAINE

Création de Guylaine PERRIN
photo BOUCHERIF


Entre Sahel et contreforts montagneux envahis de brousse et parsemés de flaques d'eau saumâtre, elle abrite la famille de Griot Sambu. Les enfants, les deux épouses, quelques chèvres qui se nourrissent des basses branches des épineux, l'âne chétif au ventre rebondi, les yeux envahis de mouches, les sabots des pattes recouverts de boue sèche.
Chaque matin, le jour pointe à peine et les oiseaux des marées débutent leur chant mystérieux, Griot Sambu pousse la porte de planches disjointes et s'achemine vers le sommet de la colline.
Là, sous l'arbre à palabre, il écoutera chacun, prodiguera ses conseils et les poudres médicinales confectionnées à base de plantes
du désert. 
Le soir il reviendra goûter la fraîcheur de la maison africaine.

L'ANGE ETRANGE

Cette nuit un sommeil agité, des fortifications et des bruits de bottes, un ange étrange est venu me visiter et s'est déposée une musique triste dans mon cerveau fatigué.


*


dimanche 26 février 2012

Fernando PESSOA. MAGNIFICAT/ Poésie d'Alvaro de Campos.

MAGNIFICAT.

Quand donc passera cette nuit interne, l'univers,
et moi, mon âme, aurai-je mon jour?
Quand vais-je m'éveiller de mon état de veille?
Je ne sais. Le soleil brille haut,
Impossible à regarder en face.
Les étoiles clignotent froid,
impossible à compter.
Le cœur bat aliéné,
impossible à écouter.
Quand passera ce drame sans théâtre,
ou ce théâtre sans drame,
et quand rentrerai-je au logis?
Où? Comment? Et quand?
Chat qui me fixes avec des yeux de vie, que caches-tu au
fond?
C'est lui! C'est lui!
Lui qui tel Josué arrêtera le soleil et moi je m'éveillerai;
et alors il fera jour.
Souris, en dormant, mon âme!
Souris, mon âme, il fera jour!