samedi 2 novembre 2013

La Mère, Ibrahim, Balthazar/ Dialogue

Mère.

C'est maintenant que ton père va pouvoir être fier de toi. Là où il se trouve, auprès de Dieu, il va guider tes pas et faire qu'avant la nuit tu reviennes chargé de munitions pour ton frère.
Demain il faut libérer le pont.

Ibrahim.

Mère pourquoi changer l'ordre des choses.
Mais si tel est ton désir je vais partir en direction des quartiers du Nord de la ville.
Je sais que les caches regorgent d'armes et de munitions. Avant que le soleil se couche je serai de retour.
Regarde les soldats là-bas sur le pont. Ils sont jeunes comme moi. Des noirs, des blancs. Pourquoi sont-ils tous si jeunes?
Facile de les tromper. Embrasse moi. Je bois un bol de lait fermenté et je pars.

Balthazar.

N'oublie pas de sourire en passant le pont.
Tu peux même t'arrêter et leur proposer des loukoums.
Je pense que ça pourra t'aider pour le retour.
Avant une heure si tu ne traînes pas tu seras devant l'épicerie d'Ahmed notre cousin. Tu rentreras ton chariot dans la cour et il s'occupera du reste. Quand le soleil déclinera derrière l'horizon tu seras à nouveau ici, tu descendras ton chariot dans les caves et tu pourras venir embrasser ta mère pour la rassurer. Les combattants feront ce qu'ils ont à faire avec ton chargement.
Allez va Ibrahim.
Que Dieu te garde.

Ibrahim sort. Noir.  


BALTHAZAR

vendredi 1 novembre 2013

La Mère se parlant à elle même

La Mère:

S'il plaît à Dieu, le moment est venu pour Ibrahim d'aider ses frères et sa famille.
Il est  plein de courage et d'ardeur. Il est audacieux mais réfléchi. Je sais qu'il va pouvoir participer au combat à sa façon. S'il manque de force physique il est rusé et connaît les plus petites ruelles de la ville mieux que quiconque.
Grâce à son intelligence il a déjà entraîné une voiture de patrouille au fond d'une impasse. Ensuite ce fut un plaisir pour ses frères d'incendier le véhicule immobilisé.
S'il plaît à Dieu c'est maintenant qu'Ibrahim doit partir au combat.
Ibrahim! Vient mon fils! Vient une dernière fois poser ton visage sur mon sein. Embrasse moi. Il est onze heures. Le temps de préparer ton chariot, de bien te chausser pour pouvoir courir le plus vite possible.
Tu vas boire une tasse de thé, et ce sera le moment de sortir dans la rue, de te mêler aux rares passants qui marchent courbés pour échapper aux regards des soldats.
Ibrahim! Vient mon fils!

Ibrahim Dieu et la Ville te regardent!

IBRAHIM

à suivre

LES MAINS d'OR DES HAUTS FOURNEAUX B. LAVILLIERS




Les Hauts Fourneaux

Travailler la Fonte
Les yeux plissés
Travailler la Fonte
Avec les Mains d'Or...
                                   Travailler la Fonte
                                   Modeler.             

BALTHAZAR le Guerrier Bleu.

J'ai quitté mon travail pour résister à l'Agression.
Tous ceux qui sont partis de notre quartier insalubre, armés par le tyran déchu, sont maintenant auprès de Dieu ou isolés dans les caves et les ruines.
Nous devons résister pour sauver notre pays et transmettre nos richesses aux enfants encore en vie.
Beaucoup sont prisonniers des blocs de béton et leur corps ensevelis sous les décombres commencent à pourrir.
Mère il ne nous reste plus que cette lutte désespérée.
Que pouvons nous faire face aux chars, aux hélicos, aux fusées téléguidées. Je n'ai plus de munitions et il faudrait qu'Ibrahim essaye de sortir pour aller jusqu'aux faubourgs défendus par nos frères.
Un enfant de douze ans personne ne fera attention à lui.
Le soleil poursuit sa trajectoire ascendante et bientôt la chaleur implacable fera de la ville un four silencieux.
L'énergie des combattants se relâchera à l'heure de midi. Les paupières se fermeront après le repas de conserves et de lait fermenté. Certains se cacheront dans l'ombre des tanks.
Ibrahim doit choisir ce moment pour passer sur le pont. Un enfant et des friandises, son grand sourire sur le visage, ses beaux cheveux bouclés, ils le laisseront passer.
Pour le retour il pourra profiter du changement de patrouille et ramener son chariot de loukoums chargé de munitions pour mon arme.
Il me faut défendre ce lieu jusqu'à l'arrivée de nos frères. Ils doivent reprendre le contrôle du pont et investir les banlieues populaires.
Mère demande à Ibrahim de se préparer. 



à suivre

mercredi 30 octobre 2013

MÈRE ON VIENT DE RELEVER LA GARDE DE NUIT " in FENÊTRES"

Mère on vient de relever la Garde de Nuit.
Je vois de jeunes soldats au crâne rasé.
Les troupes sont fraîches.
Ils regardent intensément notre immeuble.
Le soleil monte de plus en plus dans le ciel, illumine le sommet des montagnes, là bas très loin,
les montagnes où nous allions avec le père au moment des congés.
Le pont est maintenant bloqué.
Aujourd'hui ils ont l'air très sévère.
Surtout ne tire pas , mère dit.
Maîtrise ton ardeur.
Cache toi.
Observe pour pouvoir signaler les mouvements de troupe
aux frères qui tiennent les quartiers de la vieille ville.
Notre chance est d'être dans cet immeuble ministériel.
Il est solide.
Les ascenseurs sont maintenant en panne,
l'escalier écroulé à partir du troisième étage.
Nous vivons comme les aigles.
Nous nous battrons comme les aigles.

*

J'ai quitté mon travail pour résister à l'Agression.

de ROMÉO l' ARC EN CIEL

ROMÉO  l'ARC EN CIEL

FENÊTRES. La Mère et Balthazar

Moi et les autres femmes nous avons accouché des enfants du Dieu de ce peuple errant.
Sur les hauts plateaux des monts désertiques du Sud
les bergers nomades vivent sous la tente,
parcourent le désert à la recherche des puits,
sources inépuisables,
indispensables à notre survie,
eau surgissant des entrailles de la terre,
sa pureté inonde notre visage et ruisselle sur notre corps,
empruntant le chemin éternel des rides profondes du cou, des épaules et des seins.
Nous savons nous les femmes
la douleur excessive de ce don au peuple,
Dieu!
nous savons les soubresauts du corps étendu sur la natte de joncs,
l'écartèlement et la cambrure des lombes,
le fleuve de sang et les premiers cris.
Tu es Balthazar, le gardien de mes enfants en l'absence du père,
je sais ton importance dans l'organisation des combats de la cité,
ne soit pas le martyre,
le soldat crucifié.
Protège les dernières pierres de notre maison.

*

Mère,
on vient de relever la garde de nuit.

lundi 28 octobre 2013

Bernard Marie KOLTÉS

Si un chien rencontre un chat - par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce-qu'il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu'ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas se croiser-; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouve par facilité face à face- non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l'on se voit de loin, où l'on s'entend marcher, un lieu qui interdit l'indifférence, ou le détour, ou la fuite-; lorsqu'il s'arrêtent l'un en face de l'autre, il n'existe rien d'autre entre eux que de l'hostilité, qui n'est pas un sentiment, mais un acte, un acte d'ennemis, un acte de guerre sans motif.
Les vrais ennemis le sont de nature, et ils se reconnaissent comme les bêtes se reconnaissent à l'odeur. Il n'y a pas de raison à ce que le chat hérisse le poil et crache devant un chien inconnu, ni à ce que le chien montre les dents et grogne. Si c'était de la haine il faudrait qu'il y ait eu quelque chose avant, la trahison de l'un, la perfidie de l'autre, un sale coup quelque part; mais il n'y a pas de passé commun entre les chiens et les chats, pas de sale coup, pas de souvenir, rien que du désert et du froid. On peut être irréconciliable sans qu'il y ait eu de brouille; on peut tuer sans raison; l'hostilité est déraisonnable.
Le premier acte de l'hostilité, juste avant le coup, c'est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l'amour en l'absence d'amour le désir par répulsion. Mais c'est comme une forêt en flammes traversée par une rivière: l'eau et le feu se  lèchent, mais l'eau est condamnée à noyer le feu et le le feu forcé de volatiliser l'eau. L'échange des mots ne sert qu'à gagner du temps avant l'échange des coups, parce que personne n'aime recevoir des coups et tout le monde aime gagner du te,mps. Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu'il y ait encore de la place pour la raison. 


 CHIEN ET CHAT


CHIEN ET CHAT




dimanche 27 octobre 2013

Exposition Robert DOISNEAU





 






visuel




1

ÉCRITS NOCTURNES ( 26-27 Octobre 2013 )

- elle serra la rose fanée contre elle
                                                     tige arrachée
ouverte
laissa perler quelques gouttes de sève odorante
odorante sur le corps
                                senteurs
en repos, dispersées,
parfument le sillon.
chevelure masque le visage.

GESTUELLE D'UNE DANSE DE SÉDUCTION.

FLEURS BRUISSANTES

Il y a de la volupté dans la souplesse de cette posture.

SUITE FENÊTRES.

Je vois des jeunes soldats au crâne rasé. Les troupes sont fraîches, ils regardent intensément notre immeuble. Le soleil monte de plus en plus dans le ciel, illumine le sommet des montagnes, là bas, très loin, tu sais les montagnes où nous allions avec le père au moment des congés.
Le pont est maintenant bloqué, aujourd'hui ils ont l'air très sévères.
Surtout ne tire pas. Maîtrise ton ardeur. Cache toi. Observe pour pouvoir signaler tous les mouvements de troupe aux frères qui défendent les quartiers de la vieille ville.
Notre chance est d'être dans cet immeuble ministériel.
Il est solide. Les ascenseurs sont en panne et l'escalier en ruine depuis le troisième étage. Mais il est encore debout. Nous vivons comme les aigles et nous nous battrons comme les aigles
J'ai quitté mon travail pour résister à l'Agression.
Tous ceux qui ont quitté notre quartier insalubre, armés par le tyran déchu, sont maintenant auprès de Dieu ou isolés dans les caves et les ruines.
Nous devons résister pour sauver notre pays et transmettre nos richesses aux enfants encore en vie.
Beaucoup sont emprisonnés par les blocs de béton  et leurs corps ensevelis sous les décombres commencent à pourrir.

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