La cour intérieure
Les sédiments se sont déposés en couche successives –
crues et décrues – pluies interminables quand les larmes dessinent sur nos
joues d’enfants les traces salées des peines, des amours brisés, des amitiés
perdues. Les orages déposent chaque jour la terre épaisse, gluante, grise, dans
laquelle tu plonges tes racines avec délice.
Fleur de ces îles lointaines, senteurs alizés dans
les replis de ton corps, longue tige arborescente, sexe infiniment souple, tu
pénètres et explores la profondeur de cette vie souterraine.
Nourriture spirituelle d’un sol marqué de souvenirs.
Une jouissance renouvelée chaque jour que celle d’explorer, d’avancer toujours
plus profondément dans ce labyrinthe de galeries humides, quelques fois étroits
boyaux ceinturés d’angoisse gluante, de vastes basiliques à la voûte
étoilée ; les chants de joie résonnent jusque dans le gouffre insondable
de tes pensées.
Dans la cour de la maison de nos ancêtres, la maison
familiale, havre des enfants égarés, les
jours qui suivirent la mort de l’aïeule, le figuier qui depuis notre enfance
étalait ses branches et nourrissait les oiseaux s’est abattu.
Une pourriture le rongeait à la base.
J’ai vu quelques pousses vigoureuses renaître,
plonger dans le profond du sol.
Maintenant elles dirigent leurs bras d’enfants
avides vers le ciel bleu découpé par l’Artisan
entre les murs lézardés.
Les oiseaux reviennent.
Des jeunes enfants jouent, le calme de midi
s’installe, c’est une douce caresse, un chant d’amour.