MÉMOIRES
INDIENNES
Les
plages indiennes, le voyageur solitaire fait souvent d’étranges rencontres.
Des
routes poussiéreuses traversent les ruines des palais, des temples, les plages
battues par les flots. Le voyageur qui porte sac sur le dos fait parfois
d’étranges rencontres au détour d’une roche bouleversée. Les fossés tout autour
d’une massive construction cachent les petits animaux parfois venimeux. Les
chiens décharnés errent dans l’espace désertique de la plage, les chèvres
extatiques couvertes de mouches se nourrissent de vieux papiers, de bois sec,
d’immondices dispersées.
Parfois,
un enfant venu de nulle part, qu’on dirait accouché par la plage surgit. Le
sable s’ouvre et l’enfant paraît, étrange bébé déjà chevelu, crasseux des pieds
et des mains, les genoux usés et les yeux pleins de vie, de braise fleurant le
santal, de sourire, bouche éclatée sur les dents rouges du bétel patiemment
mastiqué.
Nous
avons rencontré cet enfant sur une plage déserte, un jour de vent chaud et de
mer effrayante, les rouleaux écumants tiraient nos corps vers le large et le soleil brûlait notre épiderme
imprudemment découvert.
L’enfant
nous regardait, puis son regard se perdait sur la mer, fixait un oiseau de
proie au bec effilé, vautour planant très haut, cherchant sa proie, prêt à
s’abattre.
Il
bougeait lentement sur le sable, lave cristalline brûlante au creux de la main.
Une
de ses jambes traînait, paralysée, sans muscles et sans réflexes.
Alors
il tendit le bras vers la chevelure mordorée de celle qui avait choisi de
franchir avec moi cette distance
Entre
les pays en guerre, les pays muselés dans leurs pensées et leurs écrits.
Il
avait les doigts très fins, entraînées à nouer la laine des tapis, à fouiller
dans l’ordure et la fiente.
Je
crus voir les plumes terminant l’aile d’un ange.
Sous
le vent de la mer la penne se courbait et pénétrait la masse brune parcourue de reflets auburn.
©christiancazals
|
L'ENFANT |