samedi 9 août 2014

Pousser le portail de bois du petit jardinet de curé, se frayer un passage dans les massifs d’herbes folles, cueillir une fleur, en respirer le calice, caresser le bois de la tonnelle recouverte au petit matin des jeunes mésanges de l’année.
Des boules de graisse suspendues par la vieille servante   attirent les becs voraces des jeunes oisillons.
Notre nuit fut sauvage et délirante, nous empruntons le sentier du curé avec les prières et le chapelet en moins, rencontrons le bedeau qui vient de sonner l’angélus. C’est un vieillard bossu, de longs cheveux éparpillés sur la nuque. Le village s’étire et s’éveille au chant du coq, à l’aboiement des chiens, dans le lointain le roulement des charrois.
Ce trajet nous l’empruntons tous les matins ragaillardis par une nuit étrangement dynamique, une nuit de gestes fous, de gestes et de mouvements qui n’ont rien à voir avec la religion.
Il y a des nuits sans lune. Seuls les yeux phosphorescents des chats parcourent les allées; on devine le félin dans les branches du mûrier sauvage qui jouxte la mare des nymphes. Un chant. Celui des danseuses aux vêtements légers qui peuplent les sources s'écoulant de la roche, une fissure moussue, alentours des vers luisants glissent en silence. 





Et puis les nuits de lune pleine. Parfois on se croirait au grand jour. La danse bat son plein chez les nymphes demi-nues. Une flûte résonne dans les hautes futaies, résonne le tambourin, rire cristallin des cymbales.
Dans le quartier de Chejaya, à Gaza, jeudi. La trêve a expiré ce vendredi à 8 heures.
GAZA
photo Siegfried, Modoïa REUTERS


Trêve. 5 MORTS DEPUIS LA FIN
L'Acteur qui ne connaît pas le trac est un acteur sans talent, l'actrice aussi.
Le danseur ou la danseuse sans le trac sont des artistes sans talent.

mercredi 6 août 2014

de philippe JACCOTTET

Et voici que le soir se referme une fois de plus, replie son aile rose et dorée pour le sommeil. Je me sens le devoir de le noter. Comme le scribe faisait les comptes de la journée du commerçant: soir inscrit au livre des soirs, mais qui n'est rien pourtant que l'on puisse amasser ou négocier. On ne consigne pas un poids, un métrage, un prix, rien qui se chiffre. Plutôt quelque chose comme le croisement de deux clairs regards,  d'où s'élève ce qui semble échapper à leur caducité.
in " CE PEU DE BRUITS ".

*


" Oui, oui, c'est vrai, j'ai vu la mort au travail et, sans aller chercher la mort, le temps aussi, tout prés de moi, sur moi, j'en donne acte à mes deux yeux, adjugé! Sur la douleur on en aurait trop long à dire. Mais quelque chose n'est pas entamé par ce couteau ou se referme après son coup comme l'eau derrière la barque. "

A LA LUMIÈRE D' HIVER 

dimanche 3 août 2014

REGARD PHILOSOPHIQUE DE PHILIPPE JACCOTTET

A la fin d'un énième rêve d'égarement où, sortant, si je me souviens bien, d'un théâtre, je m'éloignais toujours plus des quartiers habités, je me suis vu descendre un mauvais chemin dans une sorte d'entonnoir où ne poussaient plus que de maigres buissons et de l'herbe par taches entre les pierres. Je descendais, mais j'étais si certain que jamais je n'en remonterais que l'angoisse m'a réveillé. Cette sorte de ravin avait la forme de  ce que DANTE assigne à l' Enfer, mais c'était un enfer ordinaire dont même le plus grand esprit ne pouvait espérer revenir.

Philippe Jaccottet

L' HOMME DEBOUT. NUIT DU 3 AOÜT 2014. 04h00

Dans l'encoignure



Il me regarde, ma nuit est agitée,  elle suit les nuits lourdes qui emprisonnent mes pensées. Des pas sur le gravier,
 rire du hibou,
chant du rossignol,
moi, inondé de sueur,

touffeur sous la moustiquaire,
les voiles immaculés sont agités par une légère brise
marine.
je fixe effrayé l'encoignure des murs.
Un murmure, ses lèvres tremblent.
Souffle alcoolisé qui parvient jusqu'à ma couche.
Ses narines frémissent
le regard tranchant,
et des doigts!!
Mon regard se trouble.
Lentement il disparaît.
Il semble repus.