vendredi 10 octobre 2014

PRÉFACE AUX ŒUVRES DE CIORAN




J' ai écrit ce livre en 1933 à l'age de vingt deux ans dans une ville que j'aimais, Sibiu, en Transylvanie.
J'avais terminé mes études et pour tromper mes parents, mais aussi pour me tromper moi-même je fis semblant de travailler à une thèse. Je dois avouer que le jargon philosophique flattait ma vanité et me faisait mépriser quiconque usait du langage normal. À tout cela un bouleversement intérieur vint mettre un terme et ruiner par là-même tous mes projets.
Le phénomène capital, le désastre par excellence est la veille ininterrompue, ce néant sans trêve. Pendant des heures et des heures je me promenais la nuit dans des rues vides, ou, parfois dans celles qui hantaient des solitaires professionnelles, compagnes idéales dans les instants de suprême désarroi. L'insomnie est une lucidité vertigineuse qui convertirait le paradis en un lieu de torture. tout est préférable à cet éveil permanent, à cette absence criminelle de l'oubli. C'est pendant ces nuits infernales que j'ai compris l'inanité de la philosophie. Les heures de veille sont au fond un interminable rejet de la pensée par la pensée, c'est la conscience exaspérée par elle-même, une déclaration de guerre, un ultimatum infernal de l'esprit à lui-même. La marche, elle, vous empêche de tourner et retourner des interrogations sans réponse, alors qu'au lit on remâche l'insoluble jusqu'au vertige.
Voila dans quel état j'ai conçu ce livre qui a été pour moi une sorte de libération, d'explosion salutaire. Si je ne l'avais pas écrit, j'aurais sûrement mis un terme à mes nuits.  
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http://croukougnouche.blogspot.fr/2014/10/11-et-12-octobre-2014-entrez-dans-notre.html

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jeudi 9 octobre 2014

LE DESERT; J.M.G LE CLEZIO

Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus comme dans un rêve, en haut d'une dune, comme s'ils étaient nés du ciel sans nuage, et qu'ils avaient dans leurs membres la dureté de l'espace. Ils portaient avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, les nuits froides, la lueur de la Voie Lactée, la lune; ils avaient avec eux leur ombre géante au coucher du soleil, les vagues de sable vierge que leurs orteils écartés, touchaient, l'horizon inaccessible.
Ils avaient surtout la lumière de leur regard, qui brillait si clairement dans la sclérotique de leurs yeux.

PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE

Modiano, «une œuvre éminemment importante dans la France d'aujourd'hui»
PATRICK MODIANO


MODIANO une œuvre importante dans la France d'aujourd'hui.


Voir la vidéo de Claire DEVARRIEUX dans Libération

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mercredi 8 octobre 2014

LE DÉSERT de J.M.G.LE CLÉZIO ( Suite )

Ils continuaient à descendre lentement la pente vers le fond de la vallée en zigzaguant quand le sable s'éboulait sous leurs pieds. Les hommes choisissaient sans regarder l'endroit ou leurs pieds allaient se poser. C'était comme s'ils cheminaient sur des traces invisibles qui les conduisait vers l'autre bout de la solitude, vers la nuit. Un seul d'entre eux portait un fusil, une carabine à pierre au long canon de bronze noirci. Il la portait sur sa poitrine, serrée entre ses deux bras, le canon dirigé vers le haut comme la hampe d'un drapeau. Ses frères marchaient à côté de lui, enveloppés dans leurs manteaux, un peu courbés en avant sous le poids de leurs fardeaux.
Sous leurs manteaux, leurs habits bleus étaient en lambeaux, déchirés par les épines, usés par le sable. Derrière le troupeau exténué, Nour, le fils de l'homme au fusil, marchait devant sa mère et ses sœurs. Son visage était sombre, noirci par le soleil, mais ses yeux brillaient, et la lumière de son regard était presque surnaturelle.
LE GRAND BAOBAB (en pensant à Catherine Athénaïs)

ROMÉO / C

DANS LE CADRE DU FESTIVAL
LES LITTORALES
« HISTOIRES EN SERIES »
DU 7 AU 12 OCTOBRE

 
SÉRIE ET VARIATIONS SUR LE MOTIF, 1
JOERG ORTNER
THOLOS
Donation Anne Frélaut-Ortner
Vernissage de l'exposition
en présence de

Jean Daive

mercredi 8 octobre 2014
à 18h30


















Joerg Ortner est né en Autriche en 1940, et décédé en 2011. Installé à Paris dès 1961, il est un des graveurs les plus talentueux de sa génération. Les séries I à IX de gravures intitulées Tholos regroupent plusieurs états d'un même motif : mur, portique, cyprès, feuillage, nuages, chemin… « Une seule planche par exemple peut être gravée cinq fois et donner cinq états d’une image initiale dont le négatif agit comme fiction. C’est l’histoire de Tholos. Il ne se vit pas en tant que corps, mais en tant que cendres. Il est une famille. Il est cendres de cette famille. Et il lui faut un lieu. Un lieu de repos qui recueille les cendres. Il choisit la tholos, temple en forme de rotonde, à toit conique et à colonnes. La tholos marque le passage du minéral au végétal, marque un rapport à l’absence, un rapport à l’air. L’air entre les colonnes. Et la colonne est un multiple, comme l’état est un multiple ».
 




mardi 7 octobre 2014

LE DÉSERT J.M.G LE CLÉZIO

Saguiet el Hamra, Hiver 1909-1910


Ils sont apparus, comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient. Lentement ils sont descendus dans la vallée, en suivant la piste presque invisible. En tête de la caravane, il y avait les hommes enveloppés dans leurs manteaux de laines, leurs visages masqués par le voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche. C'étaient des silhouettes alourdies, encombrées par les lourds manteaux, et la peau de leurs bras et de leurs fronts semblait encore plus sombre dans les voiles d'indigo.

Ils marchaient sans bruit dans le sable, lentement, sans regarder où ils allaient.




dimanche 5 octobre 2014

Le Gros Sel

Le Gros sel


Mon parcours est jalonné de sachets de gros sel.
au seuil de la maison
sur les marches d’escaliers,
aux pieds du lit
la cave est protégée,

les combles...
savoir ce qui en moi
vibre.

me disent des esprits de la forêt
les sylphes
l'air les transporte.



POÉTIQUE DE L'OBJET. MICHAEL JACOB Critique de Eric LORET

Le banc, maître de céans
L'OBJET




On a beaucoup parlé de la promenade en littérature, comment elle aide à penser, à oublier, comment elle troue des travellings dans la réalité. Rousseau, philosophe ambulatoire. On a beaucoup moins étudié le banc, contrepoint obligé de toute marche. C’est le bouton pause de la caméra, mais aussi un lit, une île, un habitat (les clochards à qui l’on a supprimé tous les bancs du métro parisien en savent quelque chose). C’est un trait d’union, à cause des célèbres amoureux des bancs publics de Brassens, mais aussi dans Bouvard et Pécuchet, que Flaubert présente ainsi à l’orée du roman, avant de les transformer en chapeaux vides : «Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc.»
Michael Jakob, qui a la double casquette de professeur de théorie du paysage et de littérature comparée, n’a pas pour propos cependant d’examiner à la loupe tous les bancs de la littérature ou de la peinture (rien sur «le banc d’Argenson» à l’incipit duNeveu de Rameau de Diderot, par exemple). Mais toutes ses fonctions, oui. A quoi sert un banc?

Eric Loret (Libération)