vendredi 9 novembre 2012

PLAGE MAORI L'ENFANT BOIS

Plage Maori, l'enfant Bois


La trace multiforme d'une larve sur la planche de bois des îles
s'étire au fil des jours,
se creuse,
puis remonte et vrille le cœur solide du meuble.
L'homme Maori a découvert cette étrange boîte sur la plage
de sable noir
quelques jours après le naufrage.
La frégate royale,
mâts brisés
coque éventrée,
est échouée sur la roche volcanique.
L'île sombre est ceinturée d'écume.
Une odeur de bois brûlé,
gréements écartelés,
dispersés
dilate les narines.
Une mousse blanchâtre chante sur les plaies de la chaloupe.
Le chapelet de sperme écumant masque le nom barbare du navire
<< EL BRAHIM JAS >>
Le bois chante, gémit sous le ressac,
le bois s'éclate,
se fend,
vole en éclat sous les coups de boutoir de la mer furieuse.
Dislocation savante
Un partage.
Le bois précieux s'enfonce et disparaît sous la vague,
l'écorce fragile,
les éléments de contention,
cuir luxueux et clous,
se répandent et brillent sur le sable.

*


Plus tard
l'homme Maori prend l'enfant dans ses bras
et lui fait sauter les flaques de jus saumâtre et brunissant.
Une flèche de bois à la main,
un carquois creusé dans le bambou solide du rivage,
une aiguille de santal
transperce les narines et pare le visage du guerrier.
*
L'homme Maori allonge l'enfant,
lui caresse le ventre,
l'entoure de fines planches d'acajou cousues
Il le dépose au fond du petit cercueil ainsi confectionné.
Il souffle sur les pieds de l'enfant
et doucement,
un geste caressant,
un signe vers l'horizon,
confie l'esquif funèbre à la mer.
Longtemps le cercueil de bois flottera entre les îles.
Les sorciers en palabre
sous les arbres peuplés de singe,
diront qu'ils ont vu le Dieu de la forêt.
L'enfant-bois-
L'enfant aux veines parcourues par les vers lumineux qui peuplent la plage
montreront la route aux vaisseaux perdus.
Le bois et la pierre s'épousent sauvagement
sur les contreforts de l'île.

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