mardi 17 décembre 2013

LA BAGUE




Niarkos blêmit devant le corps que lui présenta l’employé de l’institut médico légal.
Sur le chariot métallique pas de nom mais la lettre X.
Le cadavre devait avoir la soixantaine. Un visage parfait de Dieu Grec. Cheveux et barbe blanche. Grand, musclé, une large cicatrice refermée récemment cachait le trou béant de l’impact de la balle.
Niarkos se souvint de ce visage. Il plongea dans ce qui fut sa prime enfance….
Sa vie  privilégiée de gosse de riche dans l’île de Délos.
Un père magnifique, très entouré, courtisé, un père toujours très attentif pour son jeune enfant malgré ses escapades amoureuses et ses voyages lointains.
Et puis brutalement, un jour qu’il revenait de la plage, il avait dix ans, l’annonce de la mort du père, sa disparition en mer. Le naufrage d’un de ses navires, il était armateur, au cours d’une croisière lointaine dans l’océan antarctique.
Aujourd’hui, c’est la salle froide de l’institut médico-légal, il est confronté à cet homme qu’il n’a pas oublié, étendu sur un chariot de métal chromé, cadavre rigide, noble dans sa posture de gisant.
Maintenant, il se souvient des paroles feutrées prononcées par les parents, par les proches, pendant son enfance. Personne ne croyait au naufrage. Disparition corps et bien du yacht, pas de rescapés. On pensait que le père, Yannis, s’était mis en marge du monde. On pensait qu’il vivait dans un de ces monastères perchés.
Niarkos fit des études normales. L’école, la faculté, le journalisme, les piges dans différents journaux d’Athènes.

à suivre  



 La Bague suite
                                                              




Niarkos blêmit devant le corps que lui présenta l’employé de l’institut médico légal.
Sur le chariot métallique pas de nom mais la lettre X.
Le cadavre devait avoir la soixantaine. Un visage parfait de Dieu Grec. Cheveux et barbe blanche. Grand, musclé, une large cicatrice refermée récemment cachait le trou béant de l’impact de la balle.
Niarkos se souvint de ce visage. Il plongea dans ce qui fut sa prime enfance….
Sa vie  privilégiée de gosse de riche dans l’île de Délos.
Un père magnifique, très entouré, courtisé, un père toujours très attentif pour son jeune enfant malgré ses escapades amoureuses et ses voyages lointains.
Et puis brutalement, un jour qu’il revenait de la plage, il avait dix ans, l’annonce de la mort du père, sa disparition en mer. Le naufrage d’un de ses navires, il était armateur, au cours d’une croisière lointaine dans l’océan antarctique.
Aujourd’hui, c’est la salle froide de l’institut médico-légal, il est confronté à cet homme qu’il n’a pas oublié, étendu sur un chariot de métal chromé, cadavre rigide, noble dans sa posture de gisant.
Maintenant, il se souvient des paroles feutrées prononcées par les parents, par les proches, pendant son enfance. Personne ne croyait au naufrage. Disparition corps et bien du yacht, pas de rescapés. On pensait que le père, Yannis, s’était mis en marge du monde. On pensait qu’il vivait dans un de ces monastères perchés.
Niarkos fit des études normales. L’école, la faculté, le journalisme, les piges dans différents journaux d’Athènes.      


Aujourd’hui, à quarante ans, il parvient à une maturité professionnelle telle, ce qui lui permet de faire de grands reportages. C’est la raison de sa présence ici, dans ce lieu glacé, sinistre jusqu’au carrelage blanc. Tout est blanc.
Son travail ? Enquêter sur la mort du parrain de la drogue dans son pays. On vient d’apprendre la mort de celui-ci, exécuté dans un ascenseur de l’Hôtel Lutétia à Paris. Le visage du parrain est inconnu à ce jour. Les services de police savent seulement qu’il porte à l’annulaire gauche une bague dont le chaton représente un Apollon. La bague est fixée chirurgicalement au doigt.
C’est ce que lui apprend l’employé de l’Institut avec une voix blanche qui semble venir de l’au-delà. Il lui présente la bague placée dans un petit sachet de plastique. L’annulaire gauche du cadavre a été disséqué très proprement pour pouvoir libérer le bijou. Niarkos prend le sachet et observe avec précaution l’anneau d’or et l’Apollon sculpté dans une minuscule améthyste. La salle de reconnaissance est silencieuse, venant de très loin les bruits de la ville. Niarkos regarde avec intensité le bijou puis lentement repose le sachet sur le cadavre. Il ferme les yeux un instant. Ses lèvres tremblent. Il regarde enfin l’employé, raide dans sa tenue blanche, bouge un peu la tête pour le remercier et rapidement, tourne les talons et sort.
Niarkos est dans le jardin attenant à l’institut médico-légal. Il est assis sur un banc face à la Seine. Une journée d’Octobre, grise, humide. Niarkos touche sa main gauche, l’annulaire porte la même bague que celle du cadavre.
Il replonge dans son enfance quelques jours avant le départ du père. Tous les deux sont assis sur la plage privée de l’immense propriété de l’armateur.
Le geste de celui-ci lui présentant l’anneau d’or surmonté d’une améthyste sculptée : l’Apollon du Belvédère et ses paroles : « Nous sommes reliés jusque dans l’éternité. L’anneau s’élargira et à ta maturité fait le fixer à ton doigt. Il sera alors incrusté pour la vie. Il faut que tu saches que ta mère est partie le jour de ta naissance. Elle a quitté notre monde volontairement. »

Niarkos se lève et se dirige vers le bord du quai, il s’assoit sur le sol et contemple la Seine. Pas très loin un accordéon dans le bruit de la ville.
Il charge les poches de son pardessus avec quelques pavés qui trainent, un morceau de métal qu’il glisse dans sa ceinture, puis il se laisse aller au fil de l’eau.
Dans la salle de reconnaissance, l’employé fixe l’anneau à l’annulaire gauche du cadavre, recouvre le corps d’un linceul immaculé et fait glisser le chariot dans son logement. Il referme la porte, éteint la lumière.


 


©christiancazals 12/2013
  

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