lundi 29 décembre 2014

LA BATAILLE DE FONTENOY/ Gisèle PRASSINOS

De petites fleurs nageaient dans le sang des vaincus.
Elles s'épanouissaient au contact du liquide frais qui coulait en faisant pencher l'herbe.
Notre général était assis adossé à un canon. Il comptait les doigts qui lui restaient et pensait qu'en cas de famine personne ne pourrait repousser ces ouvreurs de gloire. Ses moustaches, dégouttantes de la rosée du matin commençaient à boucler en se séchant. Le vent,qui soufflait assez fort, attrapait en passant quelques poils trop longs, leur donnant un air d'oiseau inspecteur,  de ceux qui viennent à la fin des combats.
Derrière un bosquet de génévriers, un cheval chantait à voix basse. La tête coiffée d'un culot d'obus il croyait jouer la comédie et prenait le vol des oiseaux inspecteurs pour les rires de ses camarades.
Nous étions couchés, avec de l'herbe et toutes sortes de débris dans la bouche. Il plut tant après la bataille que, gonflés à point, nous nous envolâmes vers les nuages, emportant notre général mort que nous couvrîmes de ses moustaches.

Gisèle PRASSINOS

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